La saga des trois oranges - extraits de l'adaptation

Prologue

Chœur :
  1. Bonnes gens, nous voulons vous offrir des comédies nouvelles.
  2. Ne nous demandez pas comment nous avons pu en trouver.
  3. Quand il pleut après une longue sécheresse, vous appelez cela une pluie nouvelle.
  4. Mais, bien qu’elle vous semble telle, la pluie fut toujours de l’eau...
  5. ...et l’eau fut toujours de la pluie.
  6. Ainsi dans notre théâtre, vous allez assister à des événements au parfum de déjà vu, qui pourtant vous étonneront.
  7. Vous entendrez des bêtes, des portes et des oiseaux parler en vers.
  8. Vous verrez des palais surgir sous vos yeux.
  9. Vous comprendrez que le pouvoir des génies et des fées est sans limites.
  10. Vous serez invités au mariage d’un prince et d’une orange...
  11. ... et d’une princesse avec un petit oiseau vert.
  12. Bonnes gens, ne soyez pas effrayés par ces phénomènes étranges. Ils sont sous contrôle.
  13. Car ceux qui ont décidé qu’il en soit ainsi, ce sont...
  14. (ensemble) Les comédiens !


Tableau 1 - Truffaldino, Smeraldina, Renzo
Barbarina, Chœur

Truffaldino : Non, je ne supporterai pas d'avoir cette dinde pour femme.

Smeraldina : Moi aussi, je regrette de m’être mise en ménage avec un jean-foutre de ton espèce.

Truffaldino : Truffaldino, ton mariage avec Smeraldina a consommé ton naufrage, ton effondrement définitif.

Barbarina : Renzo, y a de la dispute dans l'air.

Renzo : Non, Barbarina ! Nos parents ont un entretien d’amour.

Truffaldino : J'ai été cuisinier du roi Tartaglia. J'ai épuisé mes forces et ma santé à rafler tout ce qui me tombait sous la main dans les cuisines royales.

Smeraldina : Belle mentalité !

Chœur : (air de « Alouette gentille alouette »)
1 - C’est pas chouette, c’est vraiment pas chouette.
Truffaldino, t’es pas très honnête.
T’as piqué toutes les côtelettes (bis)
Les côtelettes, les côtelettes
C’est pas chouette, c’est pas chouette
Ah, ah, ah, ah !

2 - C’est pas chouette, c’est vraiment pas chouette.
Truffaldino, t’es pas très honnête.
T’as piqué toutes les brochettes (bis)
Les brochettes, les brochettes
Les côtelettes, les côtelettes
C’est pas chouette, c’est pas chouette
Ah, ah, ah, ah !

3 - C’est pas chouette, c’est vraiment pas chouette.
Truffaldino, t’es pas très honnête.
T’as piqué toutes les rillettes (bis)
Les rillettes, les rillettes
Les brochettes, les brochettes
Les côtelettes, les côtelettes
C’est pas chouette, c’est pas chouette
Ah, ah, ah, ah !
C’ que t’as fait là, il faut bien l’admettre
Truffaldino, c’est vraiment pas beau.

Truffaldino : Peut-être ! Mais avec le capital amassé, j’ai acheté cette triperie. Je me suis enrichi. J’ai prospéré. Et maintenant, ma chienne de femme me mène à la ruine.

Chœur :
  1. Truffaldino, ne dis pas de mal de ta femme.
  2. C’est une personne honnête et bonne.
  3. Si elle distribue ta viande gratis…
  4. … c’est parce qu’elle a grand cœur.

Truffaldino : Qu’est-ce qu’il faut pas entendre ! Elle attire ici tous les pique-assiettes de la ville, oui !

Smeraldina : Et toi, tu paies bien en saucisses les femmes de mauvaise vie avec qui tu fricotes.

Truffaldino : Ecrase !

Chœur : Truffaldino !

Truffaldino : Ben quoi ? C’est comme pour le paquet !

Smeraldina : Quel paquet ?

Truffaldino : C’est un monde ! Elle se rappelle même plus du paquet qu’elle repêché dans le canal, il y a dix-huit ans !

Smeraldina : Ce n’était pas un paquet !

Truffaldino : Si, c’était un paquet !

Smeraldina : Ce n’était pas un paquet, c’était deux pauvres petits nouveau-nés.

Truffaldino : C’est pareil ! Je t'ai dit : « On récupère la toile cirée et on jette les marmots à l'eau ! »

Smeraldina : Monstre !

Truffaldino : Toi-même !

Smeraldina : C’est le ciel, dans sa bonté, qui nous a accordé ces deux petits après la mort de notre unique enfant.

Truffaldino : Oui, et toi, tu leur as donné tout ton lait.

Smeraldina : Il a bien fallu les nourrir !

Truffaldino : Tu t’es épuisée, amaigrie, affadie. Tu as perdu toutes tes dents. Tu me dégoûtes, tiens ! Pas étonnant que je sois obligé de porter ailleurs mes tendresses matrimoniales et mon trop-plein d'amour.

Smeraldina : Touche à Renzo ou Barbarina, et tu sauras ce que c'est qu'un cataclysme à la maison.

Truffaldino : Je n'engraisserai plus ces galeux. Dis-leur de déguerpir.

Smeraldina : Non ! Renzo et Barbarina sont de bons enfants. Qui lisent trop, c'est vrai. Mais qui travaillent et sont gentils avec leurs parents.

Truffaldino : Qu'ils partent. Plus un sou pour ces bâtards.

Smeraldina : Ne répète pas ce mot, Truffaldino. Ne répète pas ce mot !

Truffaldino : Je vais me gêner. Bâtards, bâtards et re-bâtards ! Bâtards, bâtards, cent mille fois bâtards !

Renzo : (s’avançant) Ainsi donc, nous sommes de petits bâtards.

Barbarina : Est-ce vrai, vous n'êtes pas nos parents ? (Smeraldina pleure.)

Truffaldino : Oui, vous êtes deux bâtards qu'on a tirés du canal, emballés dans une toile cirée. Et si vous êtes encore vivants ce n'est pas ma faute. J’ai fait ce que j'ai pu pour vous épargner les misères de l'existence. C'est elle, cette mégère stupide, qui vous a imposé une vie de peine et de douleurs. Moi, contre mes intérêts, je vous ai appris à manger, à boire et à aller proprement par le bas. Allez profiter de ma bonne éducation ailleurs ! Foutez-moi le camp et que je ne vous revoie plus. (Il sort.)

Smeraldina : Ne craignez rien, mes pauvres petits. N'écoutez pas cet imbécile. Je ne vous abandonnerai jamais.

Renzo : Oui ou non, êtes-vous nos vrais parents ?

Smeraldina : Non ! Vous avez bien entendu. Mais qu'est-ce que ça change ? Je vous ai eus tout bébés. Je vous ai allaités, bercés, consolés, fessés. Vous êtes mes enfants et je vous aime.

Renzo : Smeraldina, la philosophie nous a appris à y voir clair dans les situations les plus obscures. Mère qui n'est pas notre mère, ton devoir exige que tu nous laisses partir, même si ton égoïsme te pousse à vouloir nous garder auprès de toi.

Smeraldina : Moi ! Mon égoïsme me pousse ?

Barbarina : Exactement ! Notre départ te cause du chagrin car tes habitudes maternelles vont s'en trouver dérangées. Cesse de ne rechercher que ton propre bien.

Smeraldina : Moi... Je recherche mon propre bien ?

Renzo : Absolument.

Smeraldina : Saints du Paradis, quelle langue est-ce qu'ils parlent ? Alors, c'est par égoïsme que je vous ai tirés de l'eau il y a dix-huit ans ?

Renzo : Sans aucun doute. Une bonne action procure d'abord du plaisir à qui l'accomplit.

Barbarina : Mère, si la fortune nous sourit nous nous souviendrons de tes bontés.

Renzo : Et tu seras récompensée de tout le mal que tu t'es donné pour l'amour de toi. Adieu.

Barbarina : Adieu. Laissons-la se régaler de sa douleur. (Ils sortent.)

Chœur : (d’après « Céline » d’Hugues Aufray)
1 - Smeraldina, oui tu t’es sacrifiée
Toujours pour tes enfants. Tu les as mignotés.
Pour qu’il soient correctement vêtus
Toi tu allais quasiment nue.

Refrain
Non, non, non, ne pleure pas, non, ne pleure pas !
Tu as tout fait pour qu’ils soient heureux
Ne pleure pas, non, ne pleure pas !
Ils n’en val’nt pas l’ coup, ces p’tits péteux.

2 - Smeraldina, tu as souvent dîné
Devant un’ pauvre assiette où y avait qu’ des navets
Pendant qu’ la leur était bien remplie
De frites et de macaronis.

3 - Smeraldina, dans un petit baquet
Rempli d’eau parfumée, chaqu’ jour tu les lavais.
Et chaque nuit, tu les écoutais
Respirer, tes deux p’tits mouflets.

Smeraldina : Péteux, morveux, caqueux ! Foutez-moi le camp, salopards ! Que maudit soit le jour où je vous ai tirés de l'eau !
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